Association Tachoires-en-Astarac

Odile conte une anecdote à propos d'Henri IV.

 Ça devait se passer en 1593 ou 94, je ne me souviens pas très bien, mais pour vérifier la date exacte, v vous pouvez regarder sur Internet…Cette année-là, il a fait un froid épouvantable, pire que l’hiver 1954. La neige est arrivée d’un coup et personne ne s’y attendait. D’ailleurs il n’y avait pas les prévisions météo comme aujourd’hui…..et on ne disposait pas des mêmes moyens…..Henri IV avait passé le week-end, (évidemment on ne parlait pas encore de week-end à la fin du 16ème siècle…) dans le château du beau Bellegarde. Là, comme d’habitude, il avait fait toutes les folies possibles avec Gabrielle d’ Estrées et il devait rentrer au plus vite sur Pau, la Reine Margot supportant de moins en moins ses incartades. Au retour, il savait bien ce qui l’attendait …et Catherine de Médicis, la belle-mère allait certainement s’en mêler une fois de plus…. Donc le plus court, de nos jours, eut-été de passer par Lannemezan. C’est ce qu’on fait aujourd’hui quand on est pressé !  Mais il n’y avait pas encore l’autoroute et en plein hiver, la côte de Capvern est redoutable ; ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la Rampe !... Henri IV avait donc choisi de passer par Seissan. Il se dit aussi qu’à Seissan, il lui arrivait de rencontrer sur son chemin quelques bergères pas très farouches que le Vert Galant ne manquait pas d’honorer au passage. Enfin, c’est ce qui se disait mais il n’y a plus personne pour l’attester…

Donc, Noste Enric, se trouve, tant bien que mal, sur le haut de la côte des Moulères.  Vous connaissez tous, c’est la route de Simorre…..là, où il y a justement le château d’eau maintenant !  Et pour descendre sur Seissan, la pente est raide et ça tourne pas mal….Et là, en quelques minutes, une tempête de neige qui recouvre tout. Je dois vous préciser que lorsqu’Henri IV partait en déplacement pour folâtrer, il ne partait qu’entre hommes : quelques laquais, le fidèle Sully, et pas le carrosse des grands jours. Lui qui avait goûté le Jurançon à la naissance, aimait aussi le vin rouge, on dirait aujourd’hui, le gros rouge qui tache. Il avait donc pris l’habitude de ramener à Pau un barricot  bien rempli, du vin bien corsé, bien rouge, bien épais qui accompagnait très bien l’ail dont il était friand.

Donc, voilà l’équipage coincé au haut de la côte des Moulères. Les chevaux n’étaient pas ferrés pour la neige. Pas de maréchal-ferrant à dix lieues à la ronde. Quant au carrosse, il était enfoncé jusqu’aux essieux.  Impossible d’envisager de passer la nuit-là. Trop dangereux, trop inconfortable et un roi, fut-il en goguette ne peut finir en Hibernacus ! Coûte que coûte, il fallait arriver à Seissan. Henri descend du carrosse, fort contrarié et comme ses laquais, se met à pousser le véhicule.  Celui-ci grince, vacille mais ne bouge pas. Pire encore, voilà que le barricot éjecté, atterrit sur la route, se désintègre. Le précieux liquide descend la pente immaculée comme un torrent de sang tandis que les douelles glissent jusqu’au fossé, plusieurs dizaines de mètres plus bas.

 Même dépité, Noste Enric n’était pas du genre à se morfondre, la tête dans les mains. Une idée fulgurante traverse son esprit. Il attrape deux douelles, une au-dessous de chacun de ses pieds. Ca glisse mais difficile d’y rester dessus. Qu’à cela ne tienne !  Il arrache les brides aux chevaux et ficèle ainsi les planches autour de ses jambes. Interloqué, Sully fait de même. Il doit suivre son roi ! S’appuyant sur la hampe de son blason, arrachée à la hâte, il se met à descendre à hum de caillou la pente rougie par le vin. Il prend de plus en plus de vitesse, mais une vitesse qu’il maîtrise parfaitement, la calquant toujours sur celle du précieux liquide, devenu, de toute façon, irrécupérable. Aveuglé par les flocons mais fin stratège, il suit la trace rouge qui dévale, juste devant lui, sur la neige immaculée, sachant que la piste est bien là et nulle part ailleurs. Il n’a jamais appris la loi des fluides mais son atavisme gascon l’a déjà maintes fois sauvé dans les situations périlleuses.

  Instinctivement, il joue avec ses appuis, pied droit, pied gauche, il fonce, coupant les virages, arrivant même à prendre sans mal celui   près duquel on déposait, il y a quelques dizaines d’années encore, les poubelles et reconnu particulièrement redoutable.  Pas encore exactement la position de l’œuf, la flexion des genoux n’est pas impeccable, pour les puristes l’aérodynamisme serait à revoir, les planches pas toujours parallèles, le corps reste un peu raide mais qu’importe !  .Quoique des plus artisanales, les fixations tiennent aussi le coup et la couche de vin rouge qui le précède toujours, une couche bien épaisse, assure une bonne glisse. Moins casse-cou, Sully prend un peu de retard, faisant plutôt du chasse-neige mais arrive en bas, lui-aussi debout comme le Roi, mais bien des minutes après.  Ouf !

Au niveau du pont, ça remonte un peu. Finie la descente ! Ne restait qu’aux deux compères à louer, incognito évidemment, un attelage au relais tout à côté et, ni vu ni connu, ils pouvaient reprendre la route sur Pau par des chemins moins malaisés. Pourtant, une des grandes premières sportives venait d’être réalisée : la première descente d’une piste rouge en ski….que les chroniqueurs de l’époque n’ont pas osé relater publiquement….Pourtant cela s’est passé ainsi, et…. à Seissan, foi de Gascon ! chateau-bellegarde-L-VzvsRD.jpeg



14/10/2013

Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 72 autres membres